Je ne me souviens plus des premiers mots, s’ils étaient bancals ou musicaux, timides ou hurlants. Je sais qu’il est des âmes, peut-être des moments, qui nous appellent à vivre, s’extraire des sentiments pour les fixer gravés, sur la banquise. Ou le papier, l’écran, du moment que c’est blanc et presque permanent.
J’ai toujours brodé sur la vie, multipliant les points de chute, pour lui donner le goût du rêve ; mes mots abstraits n’ont pas le sens évident du terme certain, mais expriment toujours une nuance du quotidien. Et puis il y a les rêves, les vrais, refuges libertins confiés par le sommeil à nos esprits sereins. Irresponsables de nos actes, nous y voguons, entre scénarios fous, phobies métaphorées et trous noirs au réveil, quand les bribes disparaissent, plus vite que la promesse d’avoir touché l’extase, ou la plus pure horreur. Entre deux la folie, l’état semi-conscient où germent par exemple, les idées de génie et la poésie ; où les pouvoirs sont à l’affut, prêts à nous révéler nos rides ou à nous faire trembler dans un rêve lucide.
Nous sommes dans un laboratoire, construit sur cette limite sans limites ; tout est possible tant qu’on l’imagine, rien n’a d’ancrage sans qu’on l’imagine.
Ainsi parfois la nuit, j’écrivais des missives. Sur des chocs électriques, un baptême, une rencontre, des envoûtements un verre à la main ; les chemins et les voiles, le doute dans les étoiles, la brume complète où j’avançais, et des invitations à venir voir des fées, s’emberlificoter… Bref tout ce qui venait à l’esprit de mes mots quand on leur demandait, de se donner. Je n’allais pas priver ma plume de ce plaisir, surtout avec l’écho, que le comte apportait… Oui l’expérience a commencé.